C’est un vrai et violent réquisitoire que dresse Diderot contre l’institution religieuse, contre la famille et contre toutes les formes d’oppression de l’individu. Composé de 1760 à 1780, ce roman naît d’une mystification : un marquis crédule croit recevoir d’une femme enfuie de son couvent des lettres écrites par Diderot. L’affaire découverte, Diderot décide d’en faire un roman, la Religieuse : enfant illégitime, Suzanne Simonin est envoyée dans un couvent. Acculée à la folie par son enfermement et par la perversité de son entourage, elle adresse, avant de mourir, une lettre au marquis de Croismare dans laquelle elle décrit son martyre. « C’est la contrepartie de Jacques le Fataliste. Il est rempli de tableaux pathétiques [à] tout l’intérêt est rassemblé sur le personnage qui parle [à] et je ne crois pas qu’on ait jamais écrit une plus effroyable satire des couvents », écrira Diderot à un ami. En effet, le réalisme rencontre ici le pathos le plus troublant, et nul ne peut rester insensible aux tourments de cette jeune fille qui, bien que dans son droit, ne parvient pas à le faire reconnaître : sa famille, avec la complicité des autorités religieuses, la contraint à rester prisonnière du monde clos du couvent. La description de ce combat que mène la jeune femme pour reconquérir sa liberté préfigure à cet égard les grands romans du XIXe siècle. À travers cette lutte pour la liberté individuelle, Diderot, l’écrivain et le philosophe, nous livre son œuvre la plus moderne et la plus profonde. La Religieuse a été transposé à l’écran par Jacques Rivette en 1966, sous le titre Suzanne Simonin, la Religieuse de Denis Diderot. Son interdiction de projection publique par la censure a suscité, dans la France entière, une campagne de protestations sans précédent.